DOCERE

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George Orwell 1903 - 1950

1984
« C'étaient toujours les femmes, et spécialement les jeunes, qui étaient les bigotes du Parti : avaleuses de slogans, espionnes amateurs, dépisteuses d'hérésies. »

— George Orwell, 1984, éd. Gallimard, p. 21

« L'ennemi du moment représentait toujours le mal absolu et il s'ensuivait qu'aucune entente passée ou future avec lui n'était possible. »

— George Orwell, 1984, éd. Gallimard, p. 50

« Que le Parti puisse étendre le bras vers le passé et dire d'un évènement : cela ne fut jamais, c'était bien plus terrifiant que la simple torture ou la mort. »

— George Orwell, 1984, éd. Gallimard, p. 50

« Celui qui a le contrôle du passé, disait le slogan du Parti, a le contrôle du futur. Celui qui a le contrôle du présent a le contrôle du passé. »

— George Orwell, 1984, éd. Gallimard, p. 51

« Il existait toute une suite de départements spéciaux qui s'occupaient, pour les prolétaires, de littérature, de musique, de théâtre et, en général, de délassement. Là, on produisait des journaux stupides qui ne traitaient presque entièrement que de sport, de crime et d'astrologie, de petits romans à cinq francs, des films juteux de sexualité, des chansons sentimentales composées par des moyens entièrement mécaniques sur un genre de kaléidoscope spécial appelé versificateur. Il y avait même une sous-section entière — appelée, en novlangue, Pornosex — occupée à produire le genre le plus bas de pornograpghie. Cela s'expédiait en paquets scellés qu'aucun membre du Parti, à part ceux qui y travaillaient, n'avait le droit de regarder. »

— George Orwell, 1984, éd. Gallimard, p. 62

« C'est une belle chose, la destruction des mots. Naturellement, c'est dans les verbes et les adjectifs qu'il y a le plus de déchets, mais il y a des centaines de noms dont on peut aussi se débarrasser. Pas seulement les synonymes, il y a aussi les antonymes. Après tout, quelle raison d'exister y a-t-il pour un mot qui n'est que le contraire d'un autre ? Les mots portent en eux-mêmes leur contraire. Prenez « bon », par exemple. Si vous avez un mot comme « bon » quelle nécessité y a-t-il à avoir un mot comme « mauvais » ? « Inbon » fera tout aussi bien, mieux même, parce qu'il est l'opposé exact de bon, ce que n'est pas l'autre mot. Et si l'on désire un mot plus fort que « bon », quel sens y a-t-il à avoir tout une chaîne de mots vagues et inutiles comme « excellent », « splendide » et tout le reste ? « Plusbon » englobe le sens de tous ces mots, et, si l'on veut un mot encore plus fort, il y a « double-plusbon ». Naturellement, nous employons déjà ces formes, mais dans une autre version définitive du novlangue, il n'y aura plus rien d'autre. En résumé, la notion complète du bon et du mauvais sera couverte par six mots seulement, en réalité un seul mot. Voyez-vous, Winston, l'originalité de cela ? Naturellement, ajouta-t-il après coup, l'idée vient de Big Brother. »

— George Orwell, 1984, éd. Gallimard, p. 73

« Ne voyez-vous pas que le véritable but du novlangue est de restreindre les limites de la pensée ? À la fin, nous rendrons littéralement impossible crime par la pensée car il n'y aura plus de mots pour l'exprimer. Tous les concepts nécessaires seront expriméschacun exactement par un seul mot dont le sens sera rigoureusement délimité. Toutes les significations subsidiaires seront supprimées et oubliées. »

— George Orwell, 1984, éd. Gallimard, p. 74

« Les prolétaires ne sont pas des êtres humains, dit-il négligemment. Vers 2050, plus tôt probablement, toute connaissance de l'ancienne langue aura disparu. Toute la littérature du passé aura été détruite. Chaucer, Shakespeare, Milton, Byron n'existeront plus qu'en versions novlangue. Il ne seront pas changés simplement en quelque chose de différent, ils seront changés en quelque chose qui sera le contraire de ce qu'ils étaient jusque-là. Même la littérature du Parti changera. Même les slogans changeront. Comment pourrait-il y avoir une devise comme « La Liberté c'est l'esclavage » alors que le concept même de la liberté aura été aboli ? Le climat total de la pensée sera autre. En fait, il n'y aura pas de pensée telle que nous la comprenons maintenant. Orthodoxie signifie non-pensant, qui n'a pas besoin de pensée. L'orthodoxie, c'est l'incoscience. »

— George Orwell, 1984, éd. Gallimard, p. 75

« Tacitement, le Parti était même enclin à encourager la prostitution pour laisser une soupape aux instincts qui ne pouvaient être entièrement refoulés. La simple débauche n'avait pas beaucoup d'importance aussi longtemps qu'elle était furtive et sans joie et n'engageait que les femmes d'une classe méprisée et déshéritée. »

— George Orwell, 1984, éd. Gallimard, p. 91

« Il y avait même des organisations, comme celle de la ligue Anti-Sexe des Juniors, qui plaidaient en faveur du célibat pour les deux sexes. Tous les enfants devraient être procréés par insémination artificielle (artsem, en novlangue) et élevés dans les institutions publiques. »

— George Orwell, 1984, éd. Gallimard, p. 92

« Le Parti finirait par annoncer que deux et deux font cinq et il faudrait le croire. Il était inéluctable que, tôt ou tard, il fasse cette déclaration. La logique de sa position l'exigeait. Ce n'était pas seulement la validité de l'expérience, mais l'existence même d'une réalité extérieure qui était tacitement niée par sa philosophie. L'hérésie des hérésies était le sens commun. Et le terrible n'était que le Parti tuait ceux qui pensaient autrement, mais qu'il se pourrait qu'il eût raison. Après tout, comment pouvons-nous savoir que deux et deux font quatre ? Ou que la gravitation exerce une force ? Ou que le passé est immuable ? Si le passé et le monde extérieur n'existent que dans l'esprit et si l'esprit est susceptible de recevoir des directives ? Alors quoi ? »

— George Orwell, 1984, éd. Gallimard, p. 111

« Son cœur faiblit quand il pensa à l'énorme puissance déployée contre lui, à la facilité avec laquelle n'importe quel intellectuel du Parti le vaincrait dans une discussion, aux subtils arguments qu'il serait incapable de comprendre, et auxquels il serait encore moins capable de répondre. Et cependant, il était dans le vrai. Le Parti se trompait et lui était dans le vrai. L'évidence, le sens commun, la vérité, devaient être défendus. Les truismes sont vrais. Il fallait s'appuyer dessus. Le monde matériel existe, ses lois ne changent pas. Les pierres sont dures, l'eau humide, et les objets qu'on laisse tomber se dirigent vers le centre de la terre. Avec la sensation qu'il s'adressait à O'Brien, et aussi qu'il posait un important axiome, il écrivit : La liberté, c'est la liberté de dire que deux et deux font quatre. Lorsque cela est accordé, le reste suit. »

— George Orwell, 1984, éd. Gallimard, p. 111

« La loterie et les énormes prix qu'elle payait chaque semaine, était le seul événement public auquel les prolétaires portaient une sérieuse attention. Il y avait probablement quelques millions de prolétaires pour lesquels c'était la principale, sinon la seule raison de vivre. C'était leur plaisir, leur folie, leur calmant, leur stimulant intellectuel. Quand il s'agissait de loterie, même les gens qui savaient à peine lire et écrire, semblaient capables de calculs compliqués et de prodiges de mémoire déconcertants. »

— George Orwell, 1984, éd. Gallimard, p. 118

« Tout ce qui était ancien, en somme, tout ce qui était beau, était toujours vaguement suspect. »

— George Orwell, 1984, éd. Gallimard, p. 130

« Winston se rendit compte à quel point il était facile de présenter l'apparence de l'orthodoxie sans avoir la moindre notion de ce que signifiait l'orthodoxie. Dans un sens, c'est sur les gens incapables de la comprendre que la vision du monde qu'avait le Parti s'imposait avec le plus de succès. On pouvait leur faire accepter les violations les plus flagrantes de la réalité parce qu'ils ne saisissaient jamais entièrement l'énormité de ce qui leur était demandé et n'étaient pas suffisamment intéressés par les événements publics pour remarquer ce qui se passait. Par manque de compréhension, ils restaient sains. Ils avalaient simplement tout, et ce qu'ils avalaient ne leur faisit aucun mal, car cela ne laissait en eux aucun résidu, exactement comme un grain de blé, qui passe dans le corps d'un oiseau sans être digéré. »

— George Orwell, 1984, éd. Gallimard, p. 209

« Dans le passé, aucun gouvernement n'avait le pouvoir de maintenir ses citoyens sous une surveillance constante. L'invention de l'imprimerie, cependant, permit de diriger plus facilement l'opinion publique. Le film et la radio y aidèrent encore plus. Avec le développement de la télévision et le perfectionnement technique qui rendit possibles, sur le même instrument, la réception et la transmission simultanées, ce fut la fin de la vie privée. Tout citoyen, ou au moins tout citoyen assez important pour valoir la peine d'être surveillé, put être tenu vingt-quatre heures par jour sous les yeux de la police, dans le bruit de la propagande officielle, tandis que tous les autres moyens de communication étaient coupés. La possibilité d'imposer, non seulement une complète obéissance à la volonté de l'État, mais une complète uniformité d'opinion sur tous les ujets, existait pour la première fois. »

— George Orwell, 1984, éd. Gallimard, p. 273

« Pour un groupe dirigeant, il n'y a que quatre manières de perdre le pouvoir. Il peut, soit être conquis de l'extérieur, soit gouverner si mal que les masses se révoltent, soit laisser se former un groupe moyen fort et mécontent, soit perdre sa confiance en lui-même et sa volonté de gouverner. Ces causes n'opèrent pas seule chacune et, en général, toutes quatre sont présentes à un degré quelconque. Une classe dirigeante qui pourrait se défendre contre tous ces dangers resterait au pouvoir d'une façon permanente. En fin de compte, le facteur décisif est l'attitude mentale de la classe dirigeante elle-même. »

— George Orwell, 1984, éd. Gallimard, p. 275

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